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« Hard Time » (1994), de Proper Dos — Une confession urbaine sous tension carcérale
Proper Dos – « Hard Time » – (1992)
« Hard Time » de Proper Dos — Une confession urbaine sous tension carcérale
Parue en 1992 sur l’album Mexican Power, la chanson « Hard Time » du groupe chicano Proper Dos, composé de Frank V. (Frank Villareal) et Ernie G. (Ernie Gonzalez), demeure l’un des témoignages les plus crus et poignants du rap West Coast underground hispanique des années 90. Loin des clichés glamourisés du gangsta rap, le morceau livre une introspection douloureuse sur les réalités de l’incarcération, les regrets d’une jeunesse gangrenée par la violence, et l’abandon ressenti entre quatre murs. À travers trois couplets denses, Frank V., rappeur principal du duo, déploie une narration sans filtre ni romantisme, où chaque mot pèse son poids de chair, de regrets, et de sang.

Sur un instrumental lent, mélancolique, enveloppé d’un sample soulful, Frank V. écrit depuis la prison — la pinta — à une proche. Le décor est posé : grillages, murs de briques, et violence omniprésente. Il ne s’agit pas simplement de “faire son temps”, mais de survivre mentalement et physiquement. Dès le premier vers, le ton est donné : « Sittin’ here in the yarda, I do nada but wait ». Le protagoniste est figé dans l’attente, entre la mémoire du dehors et l’hostilité du dedans. Il raconte sans détour avoir tué un homme et paie maintenant son crime à la dure. Le refrain, répété comme un glas : Hard tiempo (temps dur), devient un leitmotiv tragique, presque résigné, scandé en espagnol pour rappeler la fierté d’une identité, même dans la chute.
Dans le deuxième couplet, la nostalgie s’installe, teintée d’un remords profond. Frank V. revisite sa jeunesse insouciante dans les varrios (quartiers), les drive-bys, les armes faciles, et les mauvaises décisions. Mais loin de glorifier ces actes, il s’en éloigne avec lucidité : « Instead of driving by shooting at the raza, we should have all been at the park eating carne asada ». Cette ligne illustre toute la clairvoyance postérieure à l’emprisonnement. Le rappeur se confronte à ses erreurs avec une honnêteté brutale, évoquant même l’impact de son incarcération sur sa famille : son jeune frère qui suit les mêmes pas. La tragédie se fait générationnelle, le cycle de la violence autoalimenté.
Le troisième couplet plonge dans un quotidien carcéral oppressant : Frank partage sa cellule avec un psychopathe, dort parmi les rats et envisage une évasion violente, désespérée, vouée à l’échec. Ce dernier acte halluciné, digne d’une scène de film noir, s’achève sur une tentative ratée, des blessures, et une condamnation aggravée. La boucle est bouclée. « Now the time will get harder, hard time » : l’expression revient, plus lourde que jamais, et résume toute la logique implacable du système carcéral américain tel que vécu par les jeunes latinos issus des quartiers oubliés.
Musicalement, Hard Time s’inscrit dans une esthétique G-Funk mélancolique, mais en rupture avec la vantardise habituelle du genre. Il n’y a pas de bling-bling ici, seulement du béton, des tatouages, des lettres de la jefita (maman), et des pensées qui s’entrechoquent dans une cellule humide. C’est une confession poignante, portée par un flow lent, articulé, presque douloureux, renforçant la véracité du récit. La production d’Ernie G. joue un rôle crucial dans cette atmosphère : sobre mais expressive, elle laisse toute la place aux paroles pour dominer l’espace sonore.
« Hard Time » est bien plus qu’un morceau de rap : c’est une lettre ouverte, un appel à la conscience, un cri étouffé derrière les barreaux. Dans le contexte de l’album Mexican Power — qui dépeint la réalité des jeunes latinos entre fierté culturelle et marginalisation sociale — ce titre fait office de pivot moral. Il anticipe la chute, met en garde, et tente de sauver ceux qui peuvent encore éviter ce sort. Le morceau s’inscrit dans une tradition de rap narratif où l’expérience personnelle devient une mise en garde collective.
Publié par Skanless Records et crédité à des producteurs comme Felipe « Chele » Gonzalez ou Steve Yano, Mexican Power n’a jamais reçu la reconnaissance médiatique de ses contemporains anglo-saxons, mais il a trouvé une place solide dans l’histoire du rap chicano. L’ingénierie de Brian « B-Sly » Foxworthy, la direction artistique de Lisa Sutton, la photographie brute de David Perry : tout dans cet album sent l’indépendance et la rage de dire. Hard Time en est le joyau noir, la pièce maîtresse.
En résumé, « Hard Time » est une pièce magistrale de rap carcéral, une plongée dans les ténèbres de l’incarcération sans fard ni artifice. Frank V. y livre une introspection déchirante, humaine, douloureuse, dans un espagnol-anglais fluide, représentatif de la double culture chicano. Ce morceau, loin d’être un simple titre de rue, est une œuvre à part entière, un miroir tendu à toute une génération égarée entre loyauté de quartier et destin carcéral. Proper Dos, sans jamais chercher la gloire, y signe un chef-d’œuvre oublié, mais impérissable.
Lyrics :
[Intro]
What’s up mija?
Just thought I’d write these few lineas
Just to see how you’re doin’
And let you know how I’m doing here in the pinta
[Verse 1: Frank V]
Sittin’ here in the yarda
I do nada but wait
Staring at the barb wire at the top of the gate
Beyond that linea is mi familia and friends
Everyday I hope that this nightmare will end
Pero this shit is serio it’s not a dream
I’m seeing inmates dying, I’m hearing their last scream
It’s making me sick
Surrounded by bars and three walls made of brick
I gotta sleep with a knife
I’m doing hard tiempo, cause I took a vatos life
I thought I was slick-but not slick enough
Now I have to prove to the whole prison that I’m tough
The only way out is the easy way, suicide
When I think of that I think of mi familia on the outside
I miss my homeboys and my carnales
My jefita’s homemade tamales
But I got nada, now in prison blues
I think I’ll go get tattoos
Nothing else to do but hard time
Hard tiempo
[Verse 2: Frank V]
I remember when I used to play shoot ’em up
It seems like just yesterday
Going to another varrio, drinking my pisto
With my cuete, listo to spray
But now I live for today and I can’t think about tomorrow
Cause that’ll just bring me pain and sorrow
Simo! Hard tiempo!
Compared to this place man, the calle was simple
It’s no fun being torcido, my jefita misses me
And I miss my nino
Instead of livin’ by the gun
All I do now is think of the shit I should’ve done
Instead of doing jales, I should of got one
I should have carried books, instead of a shotgun
Instead of driving by shooting at the raza
We should have all been at the park eating carne asada
Just kicking back drinking
Thinking of a master plan to bring up the Mexicans
But I had to show my friends that I was down with it
Now they know I’m down but they don’t come down to visit
A big shot in varrio
Jainas Y todo, but now I sit here solo
All I get is letters from my jefita
Telling me my carnalito’s starting to smoke frios
And do things that I did when I was his age
Dirt, puttin in work with a 12 gauge
So now I can’t concentrate
Imagine having your lil brother for a cell mate
But if he wants to lead the life of crime
It won’t be long before he’s with me
And we’re both doing hard time
Hard tiempo!
[Verse 3: Frank V]
It’s lights out, but I don’t keep both eyes shut
Cause I share my cell with this loco ass nut
He sits in the corner and refuses to sleep
I gotta stay alert just in case he decides to creep
I can’t take no more
I’m sick of sleeping with rats and roaches on a concrete floor
So the next chance I get, I’m gonna shank the prison guard
Take his gun and his keys and run real hard
If someone tries to stop me from doing my break
I’ll just put a cap in his ass til his body no longer shakes
That’s murder 2 so now it’s do or die
And if I can’t get beyond that line, my ass will fry
Everything went black
I woke up chained up and I knew I was back
At the same place
Cuts on my body from the sharp fence
Now I’m gonna have to face the consequence
Tryin’ to escape is a serious crime
Now the time will get harder, hard time
Hard Tiempo!
[Outro]
I guess that’s it for now
Prepare yourself and don’t let no one get you down
Maybe someday will be together but until then I’ll suffer…
Liens
Hard time
https://youtu.be/zPq7yAj5CfE?si=KtpwapfutPM8jaSB
https://youtu.be/zPq7yAj5CfE?si=QCSb4LasIkxPFX_x
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