📍La hiérarchie de la souffrance : un faux débat en France
En France, il existe un discours latent, souvent répété, qui place l’antisémitisme au-dessus du racisme subi par d’autres minorités comme les Noirs et les Arabes. Ce discours, parfois institutionnalisé et alimenté par certains médias, entretient l’idée que les agressions contre les Juifs sont plus graves ou plus médiatisées que celles contre les autres communautés. Il est temps de déconstruire cette hiérarchie artificielle, de démanteler cette compétition dans la souffrance, et d’analyser les réalités sans détour : le racisme et l’antisémitisme sont deux formes d’oppression systémiques qui méritent d’être combattues à égalité.
📍La banalisation du racisme contre les Noirs et les Arabes
Les Noirs et les Arabes en France vivent une réalité souvent passée sous silence ou minimisée. Le racisme qu’ils subissent se manifeste dans de nombreux aspects de la vie quotidienne : insultes, discriminations à l’emploi, agressions physiques, contrôles de police abusifs, ou encore marginalisation dans les médias et les institutions. Ce racisme est tellement ancré dans le tissu social qu’il est souvent banalisé.
Prenons l’exemple des insultes raciales : les hommes et les femmes d’origine maghrébine ou subsaharienne se font régulièrement traiter de « bougnoule », de « sale nègre » ou de « monkey ». Les micro-agressions s’accumulent, allant des remarques sur leurs prénoms « trop étrangers » à la stigmatisation constante de leurs croyances ou de leurs cultures. Ces attaques quotidiennes sont non seulement blessantes mais aussi destructrices sur le plan psychologique. Pourtant, on en parle rarement dans les médias de manière aussi frontale que lorsqu’il s’agit d’antisémitisme. Cela pose une question fondamentale : en quoi une agression contre une personne juive serait-elle plus grave ou plus urgente que celle contre une personne noire ou arabe ?
📍Le poids de l’histoire et la construction de la victimisation
Une des raisons souvent avancées pour justifier cette hiérarchie est le poids historique de la Shoah. Il est indéniable que la Shoah représente une horreur sans nom, un événement unique par son ampleur et sa barbarie. Cependant, cette tragédie ne doit pas être utilisée comme un instrument pour minimiser ou relativiser les souffrances vécues par d’autres minorités. Les Noirs, eux aussi, portent le poids de l’histoire, notamment avec la traite négrière et l’esclavage, des événements qui ont profondément marqué la diaspora africaine et ses descendants. De la même manière, les Arabes ont souffert du colonialisme, des massacres et des discriminations massives.
En quoi les descendants d’esclaves ou de colonisés seraient-ils moins légitimes à réclamer justice pour les violences qu’ils subissent aujourd’hui ? Le drame historique du peuple juif, aussi terrible soit-il, ne doit pas effacer ou surpasser ceux des autres communautés. La souffrance n’a pas de hiérarchie. Un Noir ou un Arabe agressé à cause de sa couleur de peau ou de ses origines n’en souffre pas moins qu’un Juif victime d’antisémitisme. Ces douleurs sont toutes aussi réelles et dévastatrices.
📍Les violences racistes : un problème global
En France, les statistiques montrent que les actes de racisme et de xénophobie envers les Noirs et les Arabes sont bien plus fréquents que les actes antisémites. Les données de la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme) révèlent que si l’antisémitisme connaît des pics lors de certains événements médiatiques, le racisme anti-Noirs et anti-Arabes, lui, est constant et omniprésent.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : chaque jour, des Noirs et des Arabes sont victimes d’injures, d’exclusions, de harcèlement et d’agressions physiques. La différence réside souvent dans la médiatisation de ces violences. Les médias et les responsables politiques mettent davantage en lumière les attaques antisémites, souvent en raison de leur caractère symbolique ou historique. Pendant ce temps, les violences contre les Noirs et les Arabes sont reléguées au second plan, comme si elles faisaient partie d’une routine quotidienne tolérable.
Un exemple frappant est celui des contrôles policiers au faciès. En France, un Noir ou un Arabe a beaucoup plus de chances de se faire contrôler, interpellé ou violenté par la police qu’une personne blanche. Ces pratiques racistes ont des répercussions directes sur la qualité de vie, l’accès à l’emploi et le sentiment de sécurité des personnes issues de ces minorités. Pourtant, ces injustices sont rarement prises au sérieux par l’État ou les médias dominants.
📍La question de l’ « étranger » : un problème commun
En France, Juifs, Noirs et Arabes partagent un statut commun : celui de l’ »étranger », du « non-blanc », de celui qui ne s’intègre jamais complètement dans l’imaginaire collectif français. Même les Juifs, malgré leur ancienneté en France, sont parfois perçus comme étrangers, notamment à travers les discours antisémites qui les accusent d’être des « cosmopolites » ou des « complotistes ». De la même manière, les Noirs et les Arabes sont souvent réduits à des stéréotypes qui les dépeignent comme des « envahisseurs », des « menaces » pour l’identité nationale.
La réalité, c’est que ces trois groupes sont traités en fonction de leur altérité perçue, et cette altérité est le socle commun de leur souffrance. Pourquoi, alors, continuer à les diviser ? Pourquoi maintenir l’idée que les souffrances des uns sont supérieures à celles des autres, alors que tous partagent le fardeau de la discrimination raciale ?
📍Déconstruire la hiérarchie de la souffrance
Ce débat sur la hiérarchie des oppressions est non seulement stérile, mais également dangereux. Il divise les groupes opprimés au lieu de les unir contre un ennemi commun : le racisme systémique, sous toutes ses formes. Plutôt que de chercher à comparer les douleurs, il est essentiel de reconnaître que toutes ces souffrances méritent la même attention et le même combat. Chaque forme de racisme ou de discrimination doit être dénoncée et combattue avec la même vigueur.
En France, il est urgent d’arrêter de classer les souffrances et de donner la priorité à l’une plutôt qu’à l’autre. Le racisme, qu’il soit dirigé contre un Noir, un Arabe ou un Juif, doit être combattu de la même manière. Aucune oppression n’est plus légitime qu’une autre, et aucune communauté ne devrait se sentir plus légitime dans sa douleur que les autres. Il est temps de rejeter ce faux débat et de s’unir dans la lutte contre toutes les formes de racisme et d’exclusion.