Billie Holiday  »Strange Fruit » (1939) |#Music|Racism|#USA|


Si tu apprécies le post, n’hésite pas à laisser un commentaire ou un ❤️. C’est toujours bon pour la motivation et pour la survie du site. Amicalement & Respectueusement.

Firebarzzz.


🎙️ARTIST: Billie Holiday
📣TITLE: Strange Fruit
📆RELEASED: (1939)


Lyrics


Strange Fruit

Southern trees bear strange fruit
Blood on the leaves and blood at the root
Black bodies swinging in the southern breeze
Strange fruit hanging from the poplar trees

Pastor scene of the gallant south
The bulging eyes and the twisted mouths
Scent of magnolias, sweet and fresh
Then the sudden smell of burning flesh

Here is a fruit for the crows to pluck
For the rain to gather, for the wind to suck
For the sun to rut, for the trees to drop
Here is a strange and bitter crop

Source : Musixmatch

Paroles de Strange Fruit © Music Sales Corporation, Edward B Marks Music Company, Edward B. Marks Music Co., Lewis Allen Musical Director Services Ltd


La note Firebarzzz

À plusieurs reprises, Billie Holiday a déclaré que Strange Fruit aurait été écrite pour elle, prétendant même parfois avoir contribué à sa composition. Mais la réalité est tout autre. L’auteur du texte est Abel Meeropol, un enseignant juif blanc. Activiste politique, il est également écrivain et compositeur, auteur d’un grand nombre de poèmes, ballades et même comédies musicales qu’il publie sous le pseudonyme de Lewis Allan (du nom de ses deux enfants). La plupart de ses œuvres sont tombées dans l’oubli de nos jours. Révolté par les lynchages impunément perpétrés à cette époque, principalement dans les états du Sud des États-Unis, Meeropol écrit le texte de Strange Fruit dans le but de dénoncer ces atrocités. L’initiative a pu lui être inspirée par le double lynchage de Thomas Shipp et Abram Smith, le 7 août 1930 dans l’Indiana. L’image morbide des deux cadavres pendus à un arbre, entourés d’une foule de Blancs indifférents, est alors immortalisée par l’objectif du photographe Lawrence H. Beitler. La photographie, largement diffusée, indigne bon nombre de personnes dont Meeropol, qui en est bouleversé. Le texte est publié sous le titre de Bitter Fruit, dans le journal The New York Teacher en janvier 1937. Meeropol le met par la suite en musique, et la chanson est interprétée à plusieurs reprises notamment par son épouse, dans les cercles constitués d’amis progressistes.

On ne saurait dire avec précision comment la chanson est parvenue jusqu’à Billie Holiday car l’histoire varie selon les sources. Selon Billie, Meeropol serait venu de lui-même présenter son texte au Café Society . Cette version est corroborée par les déclarations de Barney Josephson, le propriétaire du café, tandis que Meeropol soutient que c’est bien Josephson et le producteur Robert Gordon qui lui auraient demandé de venir.

À son audition, la chanson fait forte impression bien que là encore, les témoignages divergent. Billie prétend avoir été immédiatement emballée par le texte : Quand il me montra les paroles de Strange Fruit, une nuit, elles m’emballèrent aussitôt. Elles me semblèrent exprimer, en un tout, ce qui avait tué mon père. Josephson, lui, affirme qu’elle n’en comprenait pas même le sens au début, et qu’elle n’a accepté de la chanter que pour lui faire plaisir. Même si cette version est peu plausible, Meeropol et Josephson s’accordent pour dire que, au premier abord, la chanson ne semble pas retenir la faveur de Billie, habituée à des textes plus légers. Quoi qu’il en soit, la chanteuse accepte bel et bien de prêter sa voix au texte de Meeropol, sur un arrangement musical de Daniel Mendelsohn.

Il semble que Billie ait d’abord testé sa nouvelle chanson auprès d’un public restreint, lors d’une fête privée à Harlem en 1938. Présent ce soir-là, le représentant de commerce Charles Gilmore se souvient du silence qui suivit la chanson, puis des exhortations enthousiastes encourageant Billie à l’interpréter face à un plus large public, ce qu’elle fera peu de temps après au Café Society.

En 1939, le Café Society est l’un des rares night-clubs à ne pas pratiquer de ségrégation raciale. C’est donc un lieu tout choisi pour interpréter une chanson aussi protestataire que Strange Fruit, à une époque où les droits civiques n’en sont qu’à leurs balbutiements. Lorsque Billie Holiday chante Strange Fruit pour la première fois, le silence se fait instantanément dans la salle. Estomaqués, les auditeurs n’osent pas même applaudir à la fin de la chanson : Quand je l’eus terminée, je n’entendis rien, pas le moindre applaudissement. Ensuite, une seule personne se mit à applaudir nerveusement. Puis tout à coup tout le monde applaudit, se rappelle Billie. Finalement, Strange Fruit se révèle donc être un véritable succès et la chanson vient dès lors naturellement intégrer le répertoire de Billie Holiday. Après la première représentation, Josephson décide de mettre en scène le titre, qui viendra clore chacun des concerts de la chanteuse au Café Society : tandis que la salle est plongée dans le noir complet, un unique petit projecteur éclaire Billie qui doit quitter la scène dès la fin de la chanson, sans jamais revenir saluer.


Lynchage de Tom Shipp et Abe Smith dans l’Indiana, le 7 août 1930, photographie de Lawrence H. Beitler © NY Public Library, digital collections

Scène de lynchage dans le Sud, de Philip Reisman, 1934. NY Public Library, digital collections


CARTE D’IDENTITÉ DE L’ŒUVRE :
STRANGE FRUIT DE BILLIE HOLIDAY.

Musique vocale : chanson texte de Abel Meeropol (sous le pseudonyme de Lewis Allan)

COMPOSITION vers 1937 par Abel Meeropol, arrangement de Daniel Mendelsohn en 1939.

(DANS LA VERSION DE BILLIE HOLIDAY) le titre a été joué en 1939, au Café Society (New York). L’ENREGISTREMENT a eu lieu le 20 avril 1939 chez Commodore Records

Scène de lynchage dans le Sud, par Philip Reisman, 1934 © NY Public Library, digital collections

À plusieurs reprises, Billie Holiday a déclaré que Strange Fruit aurait été écrite pour elle, prétendant même parfois avoir contribué à sa composition. Mais la réalité est tout autre. L’auteur du texte est Abel Meeropol, un enseignant juif blanc. Activiste politique, il est également écrivain et compositeur, auteur d’un grand nombre de poèmes, ballades et même comédies musicales qu’il publie sous le pseudonyme de Lewis Allan (du nom de ses deux enfants). La plupart de ses œuvres sont tombées dans l’oubli de nos jours. Révolté par les lynchages impunément perpétrés à cette époque, principalement dans les états du Sud des États-Unis, Meeropol écrit le texte de Strange Fruit dans le but de dénoncer ces atrocités. L’initiative a pu lui être inspirée par le double lynchage de Thomas Shipp et Abram Smith, le 7 août 1930 dans l’Indiana. L’image morbide des deux cadavres pendus à un arbre, entourés d’une foule de Blancs indifférents, est alors immortalisée par l’objectif du photographe Lawrence H. Beitler. La photographie, largement diffusée, indigne bon nombre de personnes dont Meeropol, qui en est bouleversé. Le texte est publié sous le titre de Bitter Fruit, dans le journal The New York Teacher en janvier 1937. Meeropol le met par la suite en musique, et la chanson est interprétée à plusieurs reprises notamment par son épouse, dans les cercles constitués d’amis progressistes.Lynchage de Tom Shipp et Abe Smith dans l’Indiana, le 7 août 1930, photographie de Lawrence H. Beitler. NY Public Library, digital collections

On ne saurait dire avec précision comment la chanson est parvenue jusqu’à Billie Holiday car l’histoire varie selon les sources. Selon Billie, Meeropol serait venu de lui-même présenter son texte au Café Society . Cette version est corroborée par les déclarations de Barney Josephson, le propriétaire du café, tandis que Meeropol soutient que c’est bien Josephson et le producteur Robert Gordon qui lui auraient demandé de venir.

À son audition, la chanson fait forte impression bien que là encore, les témoignages divergent. Billie prétend avoir été immédiatement emballée par le texte : Quand il me montra les paroles de Strange Fruit, une nuit, elles m’emballèrent aussitôt. Elles me semblèrent exprimer, en un tout, ce qui avait tué mon père. Josephson, lui, affirme qu’elle n’en comprenait pas même le sens au début, et qu’elle n’a accepté de la chanter que pour lui faire plaisir. Même si cette version est peu plausible, Meeropol et Josephson s’accordent pour dire que, au premier abord, la chanson ne semble pas retenir la faveur de Billie, habituée à des textes plus légers. Quoi qu’il en soit, la chanteuse accepte bel et bien de prêter sa voix au texte de Meeropol, sur un arrangement musical de Daniel Mendelsohn.


CRÉATION ET RÉCEPTION

Portrait de Billie Holiday, Downbeat février 1947 © William Gottlieb (photo) - Library of Congress

Il semble que Billie ait d’abord testé sa nouvelle chanson auprès d’un public restreint, lors d’une fête privée à Harlem en 1938. Présent ce soir-là, le représentant de commerce Charles Gilmore se souvient du silence qui suivit la chanson, puis des exhortations enthousiastes encourageant Billie à l’interpréter face à un plus large public, ce qu’elle fera peu de temps après au Café Society.

En 1939, le Café Society est l’un des rares night-clubs à ne pas pratiquer de ségrégation raciale. C’est donc un lieu tout choisi pour interpréter une chanson aussi protestataire que Strange Fruit, à une époque où les droits civiques n’en sont qu’à leurs balbutiements. Lorsque Billie Holiday chante Strange Fruit pour la première fois, le silence se fait instantanément dans la salle. Estomaqués, les auditeurs n’osent pas même applaudir à la fin de la chanson : Quand je l’eus terminée, je n’entendis rien, pas le moindre applaudissement. Ensuite, une seule personne se mit à applaudir nerveusement. Puis tout à coup tout le monde applaudit, se rappelle Billie. Finalement, Strange Fruit se révèle donc être un véritable succès et la chanson vient dès lors naturellement intégrer le répertoire de Billie Holiday. Après la première représentation, Josephson décide de mettre en scène le titre, qui viendra clore chacun des concerts de la chanteuse au Café Society : tandis que la salle est plongée dans le noir complet, un unique petit projecteur éclaire Billie qui doit quitter la scène dès la fin de la chanson, sans jamais revenir saluer.Portrait de Billie Holiday, photgraphie de William Gottlieb, Downbeat, février 1947. Library of Congress

Après neuf mois passés au Café Society, Billie Holiday se produit ailleurs à New York et dans le reste des États-Unis, choisissant soigneusement les établissements où elle peut interpréter Strange Fruit sans prendre trop de risques. La chanson est devenue célèbre et il n’est pas rare que le public la demande, même si Billie n’accède pas systématiquement à sa requête. Tous les témoignages s’accordent pour dire que chacune de ses interprétations reste un moment inoubliable, fascinant, poignant d’émotion. Meeropol, qui a entendu Billie chanter Strange Fruit au Café Society, raconte : Elle en donnait une interprétation ahurissante, très dramatique, saisissante, qui pouvait bousculer le public, le faire sortir de sa bonne conscience n’importe où. C’était exactement ce que je voulais, c’était pour ça que je l’avais écrite. Le style de Billie Holiday était incomparable et rendait l’amertume et le choc que j’avais espéré mettre là-dedans. Le public l’a formidablement acclamée. Pour Billie, l’interprétation de Strange Fruit est souvent une épreuve sur le plan émotionnel : Chaque fois que je la chante, ça me fiche le cafard, raconte-t-elle dans son autobiographie. Mais je dois continuer à la chanter, non seulement parce que les gens me la demandent, mais parce que vingt ans après la mort de mon père, ce qui l’a tué existe toujours dans le Sud.

Pourtant, la chanson est loin de faire l’unanimité. Considérée comme l’une des premières chansons de protestation, elle dérange et provoque parfois des troubles lors de son interprétation : si les moins exaltés se contentent de quitter sobrement la salle, certains plus turbulents n’hésitent pas à manifester plus violemment leur mécontentement. Selon Billie, c’est ainsi que Strange Fruit permet de distinguer les gens corrects des coincés et des tordus. Malheureusement, cette chanson lui vaudra d’être mal vue des autorités. Après son arrestation pour détention de drogue, elle déclare au magazine Down Beat en 1947 : Je me suis fait aussi beaucoup d’ennemis. Chanter ça [Strange Fruit] ne m’a pas aidée.

 »Je me suis fait aussi beaucoup d’ennemis. Chanter ça [Strange Fruit] ne m’a pas aidée. »

Enregistrer Strange Fruit ne se révèle pas être une mince affaire. Columbia Records, la maison de disques avec laquelle Billie Holiday travaille, refuse de l’enregistrer. La chanteuse s’adresse alors à Commodore Records, une petite compagnie politiquement à gauche, dirigée par le producteur Milt Gabler. Le 20 avril 1939, le titre est enregistré. Autour de Billie Holiday, on retrouve les musiciens Sonny White (piano), Frankie Newton (trompette), Tab Smith (saxophone alto), Kenneth Hollon et Stan Payne (saxophones ténors), Jimmy McLin (guitare), John Williams (basse) et Eddie Dougherty (batterie). Perfectionniste, Gabler les oblige à travailler quatre heures durant afin de réaliser l’enregistrement idéal. Craignant que le titre ne soit trop court, compte tenu du prix du disque, il demande également à White d’improviser une introduction afin d’allonger le morceau.

L’enregistrement sort au milieu de l’année 1939 et connaît un succès immédiat. Apprenant la nouvelle, Meeropol ne manque pas de faire valoir ses droits d’auteur, ce qui lui permettra d’amasser une petite fortune ! Mais malgré le succès commercial du disque, l’enregistrement passe très peu sur les ondes. La chanson, trop dérangeante, est inadaptée à des programmes de divertissement et est tenue à l’écart : Ça cassait l’ambiance selon Milt Gabler.

Plusieurs autres enregistrements suivront : en 1945 lors du concert Jazz at the Philharmonic, en 1951 au Storyville, le club de George Wein à Boston, en 1956 dans une version de studio et en 1959 lors d’une émission de télévision tournée à Londres. À la fin de sa vie, Billie Holiday chante moins souvent Strange Fruit : trop épuisée pour interpréter un texte qui exige beaucoup d’elle, elle se heurte également à un public qui, dans les années 1950, est moins empressé à écouter des chansons protestataires.

Du vivant de Billie Holiday et même par la suite, très peu de chanteurs se sont risqués à interpréter Strange Fruit. D’une part car le sujet reste un thème délicat qui dérange encore, et d’autre part car les interprétations de Billie restent ancrées dans toutes les mémoires. Billie déclare ne jamais s’être opposée à ce que sa chanson soit reprise par d’autres, même si des témoignages rapportent bien quelques tentatives d’intimidation à l’encontre de certains chanteurs essayant d’intégrer Strange Fruit à leur répertoire. 

Parmi les audacieux, on compte Josh White et Nina Simone, puis plus récemment des artistes tels que la chanteuse de jazz Cassandra Wilson ou le chanteur britannique Sting. Cependant, aucune interprétation ne semble égaler celles de Billie Holiday tant elles sont fortes, poignantes, presque douloureuses au point parfois de mettre mal à l’aise. Les souffrances de sa propre existence faisaient écho aux paroles chantées avec une telle intensité qu’elles en devenaient presque insoutenables. Le journaliste Harry Levin se souvient de son interprétation un soir, chez le compositeur de chansons Arthur Herzog : Nous étions quasiment paralysés pendant qu’elle nous mettait physiquement en contact avec chaque mot et chaque geste de Strange Fruit. Nous étions abasourdis, muets, nous n’osions pas nous regarder. Dorothy Vella, éditrice passionnée de jazz, ressent encore l’émotion à l’écoute de cette chanson à San Francisco au début des années 1950 : En réalité, ça faisait mal d’écouter Billie la chanter. Il y a maintenant presque cinquante ans que je l’ai entendue interpréter Strange Fruit, mais je la vois et je l’entends encore évoquer cette « récolte étrange et amère », sa voix me hante toujours.

Pour beaucoup, Strange Fruit’ n’appartient qu’à Billie, chanson et chanteuse étant indissociables. Car elle seule a été en mesure d’interpréter les paroles avec suffisamment de force pour faire de Strange Fruit une chanson incontournable, inclassable. pr

Leonard Feather


Author: Firebarzzz

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.